2007
LE SILENCE DE LA MER (Vercors / Nouvelle mise en scène)
En 89 ou 90, Pierre Margot me propose d’aller voir à la Péniche-Théâtre à Paris, un comédien de
sa connaissance : Bruno de Saint-Riquier. Un piano, des textes de Musset. Après le spectacle
nous allons boire une bière et après quelques compliments je dis instinctivement à Bruno :
« Vous devriez jouer l’officier allemand du Silence de la Mer ». Il me regarde avec des yeux ronds.
Pierre sourit. Il connaît mon flair.
En 2006, Alain Flayac, CPE au lycée professionnel Martin Nadaud de Bellac, me dit qu’il aimerait
voir quelques-uns de ses élèves réaliser un décor de théâtre, pourvu que ce soit un peu complexe
et que les professeurs soient impliqués.
Je propose à Pierre Margot de jouer dans le « Silence de la Mer ». Il était engagé ailleurs et me
rappelle notre rencontre avec Bruno de Saint-Riquier. Ce dernier, après 13 ans de bons et loyaux
services au théâtre de Rambouillet venait d’être remercié par la mairie au profit évidemment
d’une… administratrice ! Il me prévient simplement au téléphone : « Tu sais, j’ai un peu épaissi ».
Je crois lui avoir répondu : « Et moi pris de l’âge ». Nous rions et ne cesserons de rire tout au long
des répétitions et des représentations.
Bruno s’est révélé un acteur très disponible, d’abord inquiet sur ma façon de diriger, puis peu à
peu y prenant goût. Il a travaillé avec des spécialistes l’accent de l’officier comme le décrit
Vercors. Pudique et capable de tous les excès Bruno n’a cessé d’augmenter son interprétation. Un
comédien comme il y en a peu. Il me disait : « Tu sais, à force de faire travailler les autres, je me
suis plutôt oublié, comme perdu de vue. Pour une fois, je ne pense qu’à moi, à mon travail et toi,
tu me redonnes confiance ». Nous nous sommes entendus à la perfection. Je connais bien ce
sentiment qu’il venait d’exprimer. Et pour cause !
Amandine Sagnes était bouleversante de fragilité. Jean-Pierre Rigaud composait un oncle
comme une pierre qui écouterait mais refuserait de broncher. Quant à Philippe et Nicolas, ils
campaient deux militaires de base paraissant dépossédés d'eux-mêmes. Je refuse de juger des
personnages du peuple pris dans les cruautés mécaniques du fascisme. Plus tard je reprendrai le
rôle de l’oncle, Jean-Pierre ayant d’autres obligations..
Enfin avec Denis nous avons conçu un décor très complexe qui se transformait à chaque scène et
se refermait sur les personnages comme un piège terrible. Les professeurs, d’abord épouvantés,
ont fini par se passionner pour cette chose étrange : un décor de théâtre. Les élèves, eux, ont fait
d’étonnants progrès humains et techniques. Un beau voyage sans doute pour eux.
Enfin, Pierre a composé une musique absolument parfaite, comme toujours.
Mais une autre surprise nous attendait : la rencontre avec Ève Hetzel, peintre d’Alsace. J’avais
trouvé de ses tableaux sur internet. Par elle nous fut offerte une très belle affiche et un poster où
une jeune femme attend comme éternellement. Ève est venue assister à la première puis est
partie rejoindre ses amis au paradis des peintres très peu de temps après. Mais nous avons été
son dernier bonheur et c’est bien. Elle avait vécu les temps du silence, là-bas, en Alsace et c’était
pour elle comme une revanche et une boucle faite avec son adolescence. Elle se reconnaissait
dans la nièce.
DISTRIBUTION :
L’Officier : Bruno de Saint-Riquier / La Nièce : Amandine Sagnes / L’Oncle : Jean-Pierre Rigaud
puis Jean-Paul Cathala / Premier soldat : Philippe Audibert / Deuxième soldat : Nicolas Marty
Décor : Denis Charrett-Dykes
Assistant : Guillaume Bouet
Constructeurs : Les élèves de Martin Nadaud
Costumes : Laure Vézia
Musique : Pierre Margot
Photos du spectacle : Gérard SCHILLINGER
LES ÉDITIONS CLANDESTINES SOUS LA BOTTE NAZI (Jean-Paul Cathala)
J’ai accumulé, année après année, une collection très importante de brochures et de livres parus sous
l’occupation allemande. Par mouvement naturel de collectionneur compulsif, mais surtout parce que je
me pose souvent la question : « Qu’aurais-tu fait, toi que voilà ? » Et la réponse vient de suite, toujours
la même : « Imprimé des tracts, des poèmes. Oui, je me serais mis sûrement au service des poètes, de la
pensée fragile et forte, dérisoire et plus nécessaire que l’eau ».
J’ai eu la chance de rencontrer pas mal de poètes et écrivains ayant agi à cette époque : Vercors bien
sûr, mais aussi René Lacôte, Aragon, Elsa Triolet, Jean Lescure, Jean Cayrol et bien d’autres. Alors, peu
à peu, vient l’idée d’une exposition itinérante et d’une causerie que je baptiserai « parlerie » pour ne
point trop me prendre au sérieux et ne point trop effaroucher les auditeurs.
Les gens découvrent, ils se penchent avec tendresse et reconnaissance sur ces livres qui contiennent
tous des graines de liberté.
J’aime à partager mes trésors. C’est ainsi. Les amoureux des livres sont tellement heureux quand ils
peuvent être en amour avec des livres rares !
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