Naît au Sénégal un 4 Juillet (!) 1938 dans un minuscule village au nom imprononçable :
N'Gaye Méckhé ! Devenu aujourd’hui une petite ville très dynamique.
Georges, le grand-père maternel est cordonnier à Ax-les-Therme. Il a perdu deux de ses frères
dans les tranchées de 14-18. Alexandre, le grand-père paternel est aventurier, c’est-à-dire
pauvre mais débrouillard. Les deux sont d'origine Ariégeoise et par conséquent les parents
itou. Lui, l’aîné, il aura une sœur, un frère et encore une sœur. 1938 c'est quasiment naître les
pieds dans la guerre. Elle-là de guerre, la plus honteuse sinon la plus meurtrière.
L'âge de raison (7 ans) sera en sortir de cette guerre, pour aussitôt se précipiter dans une
autre, l'Indochine, puis une autre, l'Algérie. Avec le pays à reconstruire, et les décolonisations
comme ils disent et tous les interdits de ces temps crépusculaires… Le "rêve" n'y a aucune
place, sinon dissimulée, comme inavouable. Les « libertés » sont réduites à la taille d'une
chiure de mouche. Alors le Théâtre mais sans rien y comprendre ni rien en savoir. Son
instituteur le fait grimper sur un pupitre pour débiter une tirade de Phèdre : « mes genoux se
dérobent, etc… ». En effet ses genoux se dérobent mais pas pour les mêmes raisons. Écrit tout
de même à 9 ans une terrible tragédie : "La Mort de Pompée" (pardon Corneille !) Très gore.
Mais déjà ce gout irrépressible du dialogue. Ce besoin.
Il faudra attendre l'adolescence pour en voir du théâtre, en vrai, mais hélas pas du meilleur.
Jusque-là l'imagination seulement : comment ça fonctionne avec les comédiens et les décors,
les lumières et la voix humaine et tout ça... oui, l’imagination seulement. Heureux enfants
d'aujourd'hui qui ont accès à ces choses ! C’est sûrement là, à ce moment-là, qu’il décide
obscurément de consacrer une part de sa créativité aux enfants. Bac technique à Toulouse (le
père se projette en lui en tenue d'ingénieur). Le lycée est une caserne Napoléon premier, sans
vitres (seulement des vitrex qui claquent à longueur de nuit) sans chauffage, sans douches. Un
prof de français généreux lui glisse en douce les clés de la bibliothèque. Alors des livres et des
livres jusqu’au choc suprême : « L’idiot » de Dostoïevski ! Et puis, il y a un oncle plâtrier, issu des migrations
italiennes et travaillant à Toulouse. Il a
une voix de ténor somptueuse (les femmes se pâment au pied de
son échafaudage, réellement). Cet oncle lui fait découvrir l'opéra au Capitole, tout là-haut dans le paradis
(pardon le poulailler). Ah Mady Mesplé dans Lakmé ! Et puis, voilà qu'un jour débarque sur les allées de
Villote, à Foix un groupe de drôles de gens. Ils surgissent, épuisés, d'un très vieil autobus : c'est "Le Grenier
de Toulouse". Maurice Sarrazin, le grand initiateur de ce midi-là deviendra un ami sûr et narquois (c’est sa
forme de tendresse). Après, c’est l'éblouissement : Avignon. Vilar qui le prend passagèrement sous son aile,
étonné sans doute par cet oisillon tombé d’un nid pyrénéen. Ensuite, le voilà s'essayant au jeu avec une
troupe de normaliens : "Les Dix Petits Nègres" d'Agatha Christie. Ah, non ! Plus jamais ça !
Stage national UFOLEA, à Nogent-le-Rotrou, sous la direction d’un homme remarquable :
Elie Ferrier qui lui fait prendre conscience que la mise en scène c'est de l'artisanat. “Dom
Juan”, “Grand Peur et Misère du Troisième Reich”. Sur les conseils d'Elie Ferrier, il crée une
troupe amateur dans l'Ariège qui va timidement monter "Les Plaideurs" de Racine, mais
surtout "Les Fusils de la Mère Carrar" de Brecht. Franco est là, de l'autre côté de la frontière,
avec son corps haineux, ses yeux vides d'âme. Dans la salle, des quantités de réfugiés
espagnols. Gros succès. Et des larmes. De la reconnaissance. Des discussions passionnées
après chaque représentation. Ainsi le théâtre ça sert à quelque chose, ça peut contribuer à
changer le monde ou tout au moins à prendre conscience des choses de ce monde ?
Pour vivre, instituteur remplaçant. Il faut rejoindre la région parisienne pour pouvoir être
titularisé. Quelle aubaine ! Alors là tout voir, tout entendre, essayer de tout comprendre…
Apprendre la mise en scène, surtout, en fréquentant les salles où l’on répète. Fin 65, début 66
Roger Blin a la gentillesse de l'accepter aux répétitions, très longues, des "Paravents" à
l'Odéon, et de répondre aux questions, nombreuses sur cet artisanat redoutable. Il y a là
Maria Casarès et, dans l'ombre d'une loge Jean Genet qui joue les boiteux et de temps à autre
cogne avec une canne. À la première les fascistes balancent des fauteuils sur les acteurs.
Maria Casarès est blessée. Genet jubile. Ainsi le théâtre c'est prendre position, participer à
l'Histoire ? Et puis Barrault, Ronconi, Strehler, Garcia, Debauche, Béjart, Mnouchkine, le
TNP évidemment… Rencontre Sartre, Beauvoir et tellement d'autres… Paris ville ouverte !
1966 : création d'une revue de poésie : AVANT-QUART avec Jacques Giacometti. Le premier numéro s'ouvre
par une enquête sur le lyrisme (rien que ça !)
1967 : Rencontre avec une troupe amateur de très haut niveau en Banlieue Est qui lui demande une mise en
scène. Cette troupe deviendra la « Compagnie de Théâtre Avant- Quart ». Mise en scène des « Rustres » de
Goldoni. S'ensuit une tournée très importante dans la région parisienne et en Provence. À partir de là sa vie
va se confondre avec la vie d'Avant-Quart. Et le « il » deviendra définitivement « je ».
Biographie
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