1997
POIL DE CAROTTE (Jules Renard / Reconstruction de la pièce Jean-Paul Cathala)
Je feuilletais le Jules Renard de la Pléiade, quand soudain je me rends compte que cet immense écrivain, écoutant les « conseils » de Sarah Bernhardt, d’Antoine, d’Edmond Rostand avait sérieusement mutilé sa pièce « Poil de Carotte ». Histoire de la raccourcir pour des raisons absurdes de timing, mais aussi parce que la comédienne qui devait jouer le rôle, ne cadrait pas j’imagine avec certaines scènes aux répliques beaucoup trop abruptes, masculines pour ne pas dire viriles. Lorsque Guy Demoy l’avait montée pour nous, il avait rajouté une scène prise au « roman » et qui cadrait parfaitement. Je me mets au travail et, le remontage terminé, la pièce va durer plus d’une heure et demi au lieu des 50 minutes habituelles. Quant aux conflits, qui étaient réduits à schémas, ils prenaient leur véritable dimension. Tous les mots prononcés appartenant à Jules Renard, la seule modification que j’ai apportée est tout de même de taille. La présence de la vieille servante (qui déjà dérangeait Guy) et donne un ton trop dix-neuvième siècle est remplacée par un jeune orphelin africain. Pourquoi ? La réalité répond : autour de Nevers, les paysans faisaient régulièrement appel à des pensionnaires d’orphelinats, tout bêtement pour faire le ménage. On les payait à peine. Des enfants souvent arrachés de force à leurs parents à la Réunion ou ailleurs, pour « repeupler ». La chose est désormais bien connue. Du même coup, la célèbre scène où Poil de Carotte fait étalage de ses vertus et de sa force prend un relief très intéressant et la causticité de Jules Renard prend toute son ampleur. Et puis, il y avait Philippe Audibert qui, en quelques mois, était devenu un formidable acteur et collait parfaitement au rôle tant au niveau physique que moral. Je propose à Noël Camos de jouer le père : un homme faible, irresponsable, mais que Poil de Carotte va contraindre à prendre ses responsabilités. La façon dont Noël écoutait les exaspérations de son fils était bouleversante. Muriel Laval va s’attaquer à la mythique madame Lepic. Elle avait très peur du rôle. C’est difficile, pour une femme moderne, vivante, joyeuse, d’imaginer les blocages de cette femme éteinte. Elle était parfaite, on sentait sans cesse les rêves blessés. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne parvenait pas à aimer son enfant. Il y avait quelque chose d’irréel dans son interprétation. Christophe Montrose était tout désigné évidemment pour jouer l’orphelin. Il apportait son rire et sa joie de vivre, dans cette maison hantée par la non communication et le conformisme. Le succès fut considérable. On redécouvrait soudain cette œuvre vigoureuse, si parfaitement écrite et terriblement d’actualité. Le public ne s’y est pas trompé et l’énergie de Philippe, sa fraîcheur rendaient la situation encore plus ridicule. On ne comprenait pas comment on ne pouvait aimer cet enfant-là. J’ai vu des salles entières bouleversées. Les gens serraient les acteurs dans leurs bras. La pièce a été jouée devant une salle de militaires totalement subjugués (à Rochefort) et peut-être découvrant au fond d’eux-mêmes tout un questionnement. Jules Renard souhaitait qu’en sortant de son spectacle parents et enfants se mettent enfin à se parler. Je crois que nous répondions à ce souhait. Pierre Margot a livré une partition légère et sombre à la fois. Nous avons fabriqué avec Noël un décor qui, se voulant « réaliste » semblait en réalité, sorti de quelque mauvais rêve. J’ai particulièrement soigné la lumière ; la mise en lumière pourrait-on dire. Un des plus beaux spectacles qu’il m’ait été de donné de monter : modeste et profond. Je le dois à Jules Renard évidemment dont je ne me lasse pas mais surtout à mes amis comédiens.
Il est curieux comme on a des « modèles ». Pas au sens où en parle Brecht, mais plutôt Cocteau dans « Les Enfants Terribles ». C’est-à-dire qu’on en revient toujours au même genre d’êtres, de formes, de modèles donc, qui nous interpellent au plus profond de nous et sans forcément discerner pourquoi. On écrit, on met en scène, on se donne de bonnes raisons, mais on revient toujours aux mêmes interrogations. Pour moi c’est la haine de la guerre, la notion de résistance, les enfants mal aimés, les êtres sacrifiés ou réduits à l’humiliation, la solidarité… Enuméré ainsi, cela, peut paraître convenu ou prétentieux, mais c’est réel.
DISTRIBUTION : Poil de Carotte : Philippe Audibert / Monsieur Lepic : Noël Camos / Madame Lepic : Muriel Laval / L’Orphelin : Christophe Montrose Décor : Noël Camos et Jean-Paul Cathala Costumes : Laure Vézia Musique : Pierre Margot
RIMBAUD (Montage Jean-Paul Cathala)
Une fois encore Rimbaud et ce n’est pas fini. Une fois encore le montage de mes textes favoris et en accord avec Pierre Margot qui passera plusieurs mois à composer une sorte d’oratorio profane. Une fois encore les mêmes questions, les mêmes réponses suspendues. Une fois encore l’énigme, la fascination. Alain Roy imagine une scénographie époustouflante qui en elle-même induit ou provoque une mise en scène. En effet, sur le plateau une grande pyramide aérienne mais très structurée, posée là comme toutes les interrogations du poète, pyramide qui peut pivoter sur elle-même, présentant tour à tour au public ses trois faces, semblables mais complexes, comme effectivement sont complexes les poèmes de Rimbaud. Ce dispositif prend tout son sens lorsque, sur la musique symphonique de Pierre Margot, je me mettrai à la faire tourner au rythme du « Bateau Ivre », chef d’œuvre incontournable. En toile de fond, le désert évidemment. Alain Poisson construit des lumières remarquables, raffinées. Non, il ne construit pas des lumières, il contribue à mettre en lumière, lui aussi, avec ses moyens propres, les textes d’Arthur. Nous tournerons un peu partout avec ce spectacle, mais il sera mal reçu quand nous le jouerons sur Paris. Le malaise vient du fait, j’imagine, que je n’ai pas le droit à mon âge d’interpréter du Rimbaud. Non seulement on enferme le poète dans son adolescence, mais on condamne les comédiens à ne pas avoir le droit de l’interpréter. En fait on continue à être dans le « j’aime, j’aime pas ». Toujours les blocages de la dite capitale.
DISTRIBUTION : Le comédien : Jean-Paul Cathala Musiques : Pierre Margot Décor et Costumes : Alain Roy Lumières : Alain Poisson
LE GÉANT POISSON DE L'ÉTANG DE BAGES (Jean-Paul Cathala)
Il s’agit de l’adaptation d’un conte populaire de l’Aude mais ayant des équivalents dans tous les pays et toutes les époques. Le conte lui-même est augmenté d’un autre conte, celui des trois frères. Quelques petites toiles peintes, quelques objets, une bande son très vivante mais surtout la truculence de Christophe Montrose vont faire qu’il le jouera plus de 300 fois avec une sorte de jubilation irrésistible. Certaines écoles le lui redemandent quasiment chaque année.
LE JEU D'ALLEM KALLEM (Nazim Hikmet / Nouvelle mise en scène Jean-Paul Cathala)
Dans le même esprit je reprends pour Muriel Laval le mystérieux texte de Hikmet. Beaucoup plus complexe voire insaisissable que des contes populaires. Elle aussi le jouera de très nombreuses fois. Ce spectacle va permettre aux enseignants de faire découvrir des littératures contemporaines étrangères comme évidemment la littérature turque. Et, en particulier cet immense poète : Nazim Hikmet.
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