1983
Et le tournage commence. Trois contes populaires de l’Aude. C’était en quelque sorte pour saluer notre
implantation. Quoi de plus authentique, de plus enraciné en même temps qu’universel que les contes
populaires ?
Nous bouclons les prises de vues en 28 jours. Un record. Il faut dire que la préparation en amont avait
été très soigneuse et que Marc, Laure et Naïma suivent les cadences infernales jusqu‘à épuisement. Par
ailleurs c’est dans ce genre de folie que le côté phalangiste des gens fait merveille. L’équipe est partout à
la fois.
René et Ahmed improvisent joyeusement et contournent tous les pièges. D’abord réticent, René accepte
que je place devant son chevalet certains grands peintres qui me tiennent à cœur et dont les lumières
sont parfaites pour nos trois sujets différents d’époque et d’ambiance. Ahmed me soutient.
Je passe les très nombreuses péripéties du tournage et de la postproduction où, paradoxalement mon
manque d’expérience me sert et provoque des souffles au cœur des techniciens des studios de post
synchronisation ou d’étalonnage.
Avec Marc nous ferons un voyage épique au Maroc où sera fait le montage, mais comment tout raconter ?
Il y faudrait un livre.
Le film enfin bouclé, il sera présenté au Festival de Sète. Jean-Michel est partout et s’occupe de tout. Il
organise notamment une rencontre avec Jean Lescure, grand poète résistant, animateur de revue sous
l’occupation et inventeur des cinémas d’Art et d’Essai. Il voit le film, est séduit tant par la forme que par
l’aventure qu’il représente. Il le fera classer « Art et Essai ». Quel triomphe pour notre petite équipe !
Jean Lescure restera jusqu’à sa mort un ami fidèle et attentif. Un jour il me dit : « Toi, tu te serais
épanoui dans la Résistance ». Une autre fois : « As-tu d’autres projets ? » je lui parle d’Antigone, il me
répond « Tu auras notre soutien ». Jean a rejoint ses camarades de lutte et Antigone est restée dans les
cartons.
Plus tard le département de l’Aude organisera un festival des films tournés sur ses terres, notre film n’y
sera pas projeté alors qu’il le sera dans une flopée de festivals internationaux ! Les dindons ont envahi le
monde.
Nous ferons faire plusieurs copies 16mm et, munis d’un projecteur, les comédiens feront des centaines
et des centaines de projections. Cela non seulement va couvrir les dépenses du film, mais encore
permettra de finir le local.
Incroyable mais vrai.
Il nous arrive de nous regarder sans comprendre ce qui nous arrive.
LES CONTES DE LA CHARRETTE (Classé Art et Essai / Long métrage 35 mm de Jean-Paul Cathala)
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