PREMIER FESTIVAL DE PUIVERT
Après avoir vécu pleinement Mai 68, je fais découvrir à mes camarades le château de Puivert dans
l’Aude : coup de foudre. La grande cour centrale est une ancienne cour d’amour, c’est-à-dire que les
troubadours y faisaient régulièrement assaut de poésie amoureuse et… politique !
Mais il y a tout à faire : la route d’accès, quelques consolidations des ruines, un transformateur triphasé,
etc… C’est alors que nous faisons la connaissance de monsieur Tisseyre, conseiller général et maire de
Puivert. Il est amoureux fou de son château. Un homme extraordinaire. Il va tout nous obtenir du
département.
De mon côté je rencontre Madame la Marquise de Puivert, à Paris, qui nous accorde volontiers
l’utilisation du château.
Les habitants du village et la troupe construiront une scène sous la conduite d’un ancien résistant :
Marius, d’une générosité sans fin. Ainsi naît le premier Festival de Puivert.
Aujourd’hui on y tourne des films :
La Passion Béatrice de Bertrand Tavernier avec Bernard-Pierre Donnadieu qui fit ses débuts dans
notre troupe comme on le verra plus loin.
La Neuvième porte de Roman Polanski avec Johnny Depp etc…
Il est curieux (et très offensant) de constater que dans le site Wikipedia de Puivert, nous ne sommes
même pas cités !
Au programme de ce premier Festival :
Les Rustres
Ajax
Madame Sans-Gêne
Pièces en un acte (Ionesco / Obaldia / Cocteau)
AJAX (Sophocle / Mise en français Jean-Paul Cathala)
Jean Vilar m’avait dit, bien avant cette époque : « Si vous devez jouer un jour pour un public populaire,
choisissez les textes les plus hauts, selon vous, naturellement. »
Quoi de plus haut que Sophocle ? Ajax n’était jamais joué. Mais les traductions universitaires ne me
convenaient pas.
Je m’essaie donc à l’adaptation en m’aidant de toutes les traductions sur le marché et sous l’œil d’un
spécialiste du grec ancien. J’affinerai la méthode plus tard avec « Antigone » et les «Œdipe ».
Nous étions au temps des généraux. Celui-ci (Ajax), devenu fou, qui se suicide dans son propre carnage,
nous convenait tout à fait et convenait à ce que nous pensions de l’air du temps. Souvenez-vous : on nous
traitait de « chienlit » !
Pour soutenir les chœurs, j’utilise les musiques de Miloslav Kabeláč par les Percussions de Strasbourg
que nous découvrions.
J’ai conservé le costume que Jean Dometti a réalisé pour mon personnage d’Ajax, fait des peaux de bêtes
qu’il a massacrées.
Le rôle (muet) de mon fils est tenu par ma sœur Marie-Laure qui n’a que onze ans. La mort d’Ajax dure
un long temps et elle est là qui me regarde et me soutient. Nous sommes sur une étroite plate-forme
sans garde-fou à 6 mètres du sol. Les enfants n’ont peur de rien s’ils savent qu’on les aime.
Je me rappellerai jusqu’au bout de mes jours cette vieille paysanne avec son foulard noir noué au
menton, assise seule après le spectacle parmi les chaises vides et qui me demande après un lourd silence
et les yeux bien plantés dans les miens : « Et alors, ce Sophocle, il habite où maintenant ? » C’est ça, ce
que je cherchais, ce que je voulais. Et c’est encore ça qui me pousse à continuer.
MADAME SANS GÊNE (Sardou)
Géraldine Granjon était une élève des Cours Simon. Elle avait eu pour professeur Simon lui-même et
surtout Rosine Margat pour qui elle avait une véritable vénération. Le rêve de Géraldine était de jouer
« Madame Sans-Gêne ». Ce n’était guère mon filon, mais comment ne pas lui faire plaisir et, dans le
mouvement, faire plaisir au public ? Nous nous attelons à cette distribution fleuve. Géraldine fait
merveille. Claude Grimberg sera Lefebvre, Gérard Poulet (qui n’a rien à voir avec le violoniste) sera un
Fouché cauteleux à souhait…
Je dois avouer que je suis beaucoup plus à l’aise dans le premier acte/prologue qui se situe durant la
révolution que dans le reste de la pièce. Mais nous nous amusons bien et le public aussi. Et surtout,
surtout, Géraldine est comblée. Sa joie à balancer certaines répliques cultes !... Et puis quelle
comédienne ! Quel abattage et quelle insolence !
Pièces en un Acte (Obaldia/Ionesco/Cocteau)
1968
Une
exposition
de
lithographies
de
peintres
contemporains
réunie
par
la
galerie
Lelong
sous
la
houlette
de
Jacques
Dupin
et
avec
la
complicité
des
peintres
(Miro,
Calder,
Rebeyrolle,
etc).
Là
nous
sommes
dans le domaine de Trom.
Une
autre
exposition
:
«
Affiches
de
Mai
68
».
L’évènement
oblige,
d’autant
que
deux
ou
trois
d’entre
elles,
réalisées
en
sérigraphie
avaient
été
tirées
dans
mon
petit
appartement
du
218
boulevard
Raspail
à Paris.
L’affiche de ce premier festival, conçue par Trom, sera d’ailleurs imprimée par le même procédé.
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