2003
UN HOMME DANS LA GARE (Jean-Paul Cathala / Mise en scène : Pierre Margot)
Philippe Audibert me dit : « Il faudrait quelque chose sur les SDF. Pour les jeunes ». Traduction : « Tu devrais m’écrire une pièce sur ça ». Sujet épineux s’il en fut. Comment ne pas sombrer dans le document, voire le mélo. Le reportage au théâtre, assorti d’une mise en accusation sous-jacente, insidieuse de ceux qui ne sont pas à la rue comme cela se fait couramment à la télévision… C’est alors que je me souviens de Miguel Angel Estrellas. Ce que les fascistes lui ont fait chez lui, en Argentine. J’imagine un artiste, un musicien, victime d’une dictature et qui se retrouve chez nous à la rue, probablement sans papiers, dans le plus grand dénuement et surtout dans la pire des humiliations. Je le situerai dans une gare, où il dort, où il survit. Il faut un interlocuteur, sinon pas de théâtre (le one man show m’ennuie à mourir). Un étudiant en cinéma. Voilà. Ce qui permet la critique des médias et le rôle ambigu du cinéma (un thème qui m’est cher). Cet étudiant est de banlieue ce qui justifie des affrontements avec l’homme déchu. Voilà. Philippe Audibert jouera le SDF. Il a la colère ravalée nécessaire, l’expérience et le point de vue. Et puis ces fulgurances, cette énergie, cette tension qu’il faut au rôle. Nicolas Marty, qui a rejoint la troupe voici peu, est un étudiant vraisemblable et populaire. Il a les étonnements qui conviennent. Le rôle le fera énormément progresser. Je propose à Pierre Margot de faire la mise en scène. Il a le sens de l’épure et de la mise en place des dialogues (la pièce est une sorte de huis clos en extérieur). Et puis il aime les comédiens, leur fragilité. En outre, étant musicien lui-même, il ne peut qu’être sensible au sort de cet autre musicien déchu. Le spectacle aura un très fort succès tant auprès des jeunes étudiants qu’auprès des adultes. La réflexion sur le sens qu’il faut donner aux mots charité, partage, compassion, etc… déclenche des discussions sans fin et très enrichissantes. Nous jouerons à plusieurs reprises pour les restos du cœur, le secours populaire, la croix rouge... Ce qui est toujours source d’émotions et de belles rencontres en générosité. Mais la plus belle des surprises nous l’avons vécue à Lourdes : Monsieur Estrellas était dans la salle. Je passe sur les émotions réciproques. Merci de tout cœur aux professeurs qui nous avaient concocté cette surprise. La pièce est encore au répertoire de la compagnie et a dépassé les 150 représentations. Car hélas le problème perdure et s’amplifie. Je ne sais pas si nous cesserons un jour de la proposer. (Ceci est écrit en 2014. Depuis, la troupe a cessé d’être.
DISTRIBUTION : Octave : Philippe Audibert Xavier : Nicolas Marty Mise en scène et musique : Pierre Margot Décor : Denis Charrett-Dykes
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