GEORGES DANDIN (Molière)
Le hasard, toujours lui, nous avait fait rencontrer une troupe toulousaine animée par Christiane et
Jacques Alonso. Ils jouaient, avec Danielle Catala, une pièce de Jacques Kraemer que j’avais croisé au
Théâtre Populaire de Loraine : « Les Immigrés ».
Très vite nous nous accordons et décidons de tenter un « Georges Dandin ».
Entre temps, René Trusses nous met en contact avec l’orchestre départemental ayant à sa tête un
certain monsieur Berlioz, ce qui, convenez-en, représente une certaine garantie. Trêve de sourire, ce
monsieur, enthousiaste et charmant, se propose de dégotter la partition de Jean-Baptiste Lully. Tandis
que nous bataillons avec le texte de Molière, l’orchestre déchiffre Lully. Attention, à cette époque (1979)
les baroques étaient considérés comme des sous-compositeurs et Lully carrément ringard. Pouah, un
Italien à Versailles ! France-Musique entre autres ne jurait que par la très lourde musique allemande
dite « romantique » !
Marc invente un décor qui tient compte (n’oubliez pas, Marc est avant tout musicien) de cet apport
Lully. Le rideau de scène, en particulier, est une vaste toile de Poussin.
Jacques Alonso fait merveille dans le rôle-titre. Roublard, même retors, il a les naïvetés de Dandin.
Michel Coulet bien dans la tradition, campe une Madame de Sotenville particulièrement égocentrique
et stupide de prétention qui manipule son époux comme avec des fils pour marionnettes.
Au finish un spectacle de très belle tenue qui enchante le public. Après tout, même au Français, ils n’ont
pas pareil orchestre à leur disposition.
DISTRIBUTION :
Georges Dandin : Jacques Alonso / Angélique : Christiane Alonso / Monsieur de Sotenville :
Jean-Michel Ropers / Madame de Sotenville : Michel Coulet / Clitandre : Claude Polycarpe /
Lubin : Jean-Pierre Rigaud / Claudine : Lisbeth Bernadou / Une Paysanne : Myriam Vialle
RIMBAUD (Montage avec le groupe "Image")
Les amis du groupe « Images » ont dégotté à deux pas de Tarbes, une immense ferme pour moitié en
ruine où ils peuvent répéter sans déranger personne. Cette résidence a pour nom Gardère. Cela se situe
non loin d’un village, Seron, qui va rameuter toute la presse nationale et internationale, car le « diable »
s’y manifeste très ponctuellement !
C’est là que va naître notre second grand projet : Rimbaud. Jean-Pierre Rigaud se joint au groupe
« Images » apportant flûtes et saxos. Le travail va se révéler plus complexe que pour le Hugo. Il n’y a pas
de sujet à traiter. Seuls les poèmes sont devant nous comme autant d’énigmes et cela ne se met pas en
musique ni ne se laisse illustrer, car cela se défend de toute complaisance. Nous mettrons longtemps
avant d’oser le présenter au public.
Sur scène il y aura un échafaudage où navigueront les musiciens, dans les cintres des motos bougeront
lentement (les voyages sans trêve d’Arthur). Des objets repères meubleront la scène : un frigo ouvert, un
mannequin d’enfant, etc… Enfin, en toile de fond, d’immenses portraits répétitifs de Rimbaud peints
par Marc.
Quand nous le jouerons à Palente, comme je sortais de scène plutôt grogui, une dame, professeur de
lettres en fac de Besançon se jette sur moi toutes griffes dehors en criant : « Vous m’avez volé mon
Rimbaud » ! Je ne savais pas qu’Arthur avait appartenu à une dame de Besançon ! Sacré Arthur !
Jacques Livchine, lui aussi invité avec sa facétieuse « Périchole » allait par les couloirs du même théâtre
où nous avions joué et chantant sur un des airs de son spectacle : « Il grandira, il grandira, car j’ai volé
son Offenbach, bach, bach…»
Guitares : André Dion
Claviers : Marc Peyret
Vents : Jean-Pierre Rigaud
Percussions : Jean-Michel Ropers
Voix : Jean-Paul Cathala
Ici, je me permets une incise ou une petite dérive du temps comme il vous plaira.
Tandis que je flânais par les sentes du web, il y a quelques jours, je découvre justement cette phrase de Livchine qui se
trouvait à ce moment-là en tournée en Amérique du Sud :
Valparaiso 6 Octobre 2013
Philippe Fenwick a été retoqué au TGP de Saint Denis, il me fait lire sa lettre de candidature : public, théâtre vivant,
populaire, et je lui demande de quoi il s’étonne, il fallait écrire pour être admis : lieu de création pointue, fin de l’utopie
vilarienne, artistes associés, Pommerat, Novarina, colloque international sur la traduction, culture cultivée pour vrais
connaisseurs, pas de démagogie quartier, pas de théâtre sociologique, etc…
Je prends conscience au Chili à quel point nous aimons jouer pour les gens qui ne mettront jamais un pied au théâtre, il est
là notre bonheur, nous sommes vraiment des malades à mille lieues de tous les CDN du monde entier.
Je me permets de rappeler, oh innocemment bien sûr, que ceci s’écrivait sous régime socialiste !
HALLEM KALLEM (Nazim Hikmet)
À l’occasion de mes rencontres avec Münevver Andaç je lui demande si Nazim n’a pas écrit pour les
enfants, alors elle traduira pour nous un conte d’Hikmet que Abidine illustrera et que nous jouerons
abondamment après l’avoir édité : « Le Jeu d’Allem Kallem ». Que les comédiens me pardonnent mais je
n’ai aucune trace de ce spectacle. Ainsi va le théâtre ! Ô monde des éphémères rêveries ! Bien plus tard,
Muriel Laval le reprendra.
PLUME D'ANGE (Jean-Paul Cathala / Groupe "Image")
Les musiciens du groupe « Images » me demandent un texte pour les « pitchous ». Ils veulent
poursuivre l'expérience « Florelle » et « Domino et la Terre Verte ». Ils sont trois. Ils veulent créer une
musique « haut niveau » pour les tout-petits et que cette musique, les mots avec elle, racontent une
histoire. Je me souviens un peu de Mooglie. Peut-être de Tarzan ? C’est une simple fable sur la solidarité
et la compassion.
Je regrette que nous n’ayons pas pu enregistrer ce spectacle. C’était réellement très beau. Les enfants
étaient saisis par la vibration des instruments en direct mêlés aux mots. Littéralement cela allait dans
leur corps. La magie du live. C’est peut-être là qu’André Dion a décidé de sa future carrière de
compositeur.
DISTRIBUTION :
André Dion / Marc Peyret / Jean-Michel Ropers.
70 Représentations / 600 spectateurs.
ÈVE S'EN VA (N&B 16 mm de Jean-Paul Cathala et Jean-Pierre Thiébaud)
Cliquez sur la photo pour agrandir
Avec
Jean-Pierre
Thiébaud,
suivant
quelques
conversations
exaltées
et
nocturnes
dont
il
avait
le
secret,
nous
décidons
de
tenter
un
16
mm,
format
qu’il
affectionnait
particulièrement.
Je
lui
propose
un
sujet
et nous nous mettons au travail.
Voici
en
quelques
mots
le
scénario
:
Une
adolescente
d’un
milieu
ouvrier
a
honte
de
ses
origines,
disons
qu’elle
ne
les
assume
pas.
Elle
n’a
qu’un
rapport
réduit
à
quasi
rien
avec
sa
famille.
Ses
rêves
sont
intégralement
centrés
sur
la
consommation
:
les
grandes
surfaces,
la
musique
de
pacotille,
les
fringues,
etc…
Ève,
c’est
son
nom
évidemment,
finit
par
fuguer.
De
rencontres
mécaniques
avec
le
système
en
rencontres
superficielles,
la
nuit
vient,
elle
se
retrouve
seule
sur
une
route,
comme
égarée.
Surgit
un
camion
qu’elle
perçoit
comme
monstrueux,
qui
s’arrête,
le
chauffeur
s’avançant
vers
elle
est
un
bien
brave
garçon,
mais
qu’elle
perçoit
elle,
comme
dangereux
et
comme
une
résurgence
du
faux
prince
charmant
qu’elle
a
cru
croiser
dans
ses
errements
de
la
journée.
Cela
devient
vite
une
fantasmagorie
terrifiante et cauchemardesque.
De
fuite
en
fuite
elle
finit
par
se
réfugier
dans
une
sorte
de
mansarde
qui
n’est
autre
que
l’étage
de
la
fabrique
où
travaille
son
père.
Et
là,
soudain,
elle
découvre
l’exploitation,
les
humiliations
que
subit
cet
homme
taciturne
replié
sur
lui,
animé
de
la
simple
motivation
qu’il
doit
nourrir
sa
famille.
Du
moins
c’est ce que croit sa fille.
Le
dernier
plan
nous
montre
Ève
sur
le
cadre
du
vélo
de
son
père,
souriante,
fière
et
renouant
en
quelque sorte avec sa famille et sa classe sociale.
Fable
utopiste,
certes,
mais
dans
les
comportements
du
temps.
Aujourd’hui
nous
savons
que
la
consommation
a
gagné
la
partie.
Il
faut
dire
que
ni
Jean-Pierre
ni
moi
n’étions
dupes,
mais
le
rêve
a
tous
les
droits.
Les
circonstances
Tarbaises
qui
vont
suivre
nous
empêcheront
de
finir
le
film.
Les
images sont là. Nous projetions en fin de course d’écrire une sorte de poème en voix off.
Maintenant
que
Jean-Pierre
nous
a
quittés
pour
les
landes
de
l’apaisement,
je
ne
sais
pas
si
j’ai
le
droit
d’aboutir ce projet très sérieusement avancé. Nous en avons beaucoup rêvé Jean-Michel Ropers et moi.
La distribution sollicitait toute la troupe et au-delà évidemment, avec dans le rôle de Ève Myriam Vialle,
qui venait de nous rejoindre, délicieuse de jeunesse capricieuse, tout le contraire de ce qu’elle est dans
la vie.
UN ABUS DE POUVOIR ET UNE INTOLÉRANCE BUREAUCRATIQUE ET POLITIQUE
Si
nous
voulions
garder
notre
subvention
municipale
nous
devions
prendre
une
administratrice
imposée
par
la
mairie.
Cette
personne
s’est
tout
de
suite
révélée
comme
une
parfaite
manipulatrice.
Les
naïfs
confiants
que
nous
étions
et
qui
passaient
leur
vie
sur
les
routes
à
chercher
un
peu
de
sous,
n’ont
pas
compris
qu’en
fait
on
voulait
nous
liquider
pour
laisser
place
d’une
part
aux
précieuses
du
Parvis
et
d’autre
part
à
des
manifestations
populistes
(le
maire
m’avait
tout
de
même
très
fortement
suggéré
de
monter
«
La
Veuve
Joyeuse
».
Voilà
du
populaire
affirmait-il
!
Franz
Lehár,
un
chouchou
d’Hitler !
Sans méfiance aucune, nous envisageons une nouvelle saison.
Sourdement,
certains,
pendant
ce
temps,
se
laissent
abuser
par
ce
miroir
sans
tain
aux
alouettes,
flattés
sans
doute
par
les
discours mielleux de la personne en question ? Des procédés très KGB tout ça.
Soudain
débarque
un
metteur
en
scène
parisien
(ami
de
la
dame)
assorti
de
son
petit
assistant
et
qu’on
prétend
imposer
à
la
direction
artistique
de
notre
coopérative.
Ce
metteur
en
scène
se
révèlera
très
gourmand
de
subventions
et
autres
privilèges. Trop c’est trop !
J’en
suis
encore
à
me
demander
comment
le
maire
de
cette
belle
ville
ouvrière,
lui-même
ancien
résistant
communiste
et
contre l’avis de son conseil municipal, a pu accepter de jeter à la rue des gens aussi dépouillés de calculs que nous.
Bon.
Assez
remué
ce
fiel
et
cette
vulgarité.
Je
veux
dire
quand
même
que
nous
avions
assuré
17
créations
et
des
centaines
de
rencontres,
d’animations
en
trois
ans
seulement
et
avec
une
subvention
locale
relativement
restreinte.
Rien
ne
nous
venant
d’ailleurs,
vu
la
couleur
de
la
municipalité.
La
petite
troupe
de
saltimbanques
payait
sur
tous
les
tableaux.
On
verra
dans
quelques
années
que
les
comportements
entre
gens
qui
se
disent
représenter
le
peuple
et
les
travailleurs
du
spectacle
ne
varient guère.
Quant
à
mes
ex
camarades
qui
ont
choisi
l’administratrice,
ils
n’ont
pas
fait
long
feu.
Elle
était
bien
là
pour
liquider
notre
coopérative.
Amen.
COUP DE TALON AU FOND DE LA PISCINE
Les amis du groupe « Images » nous ouvrent Gardère, la ferme de tous les replis et de l’amitié vraie. Nous sommes comme
dans un burg ruiné qu’il nous faut entièrement rebâtir. Tout ce que nous avions construit et acquis en trois ans est kidnappé
par ceux qui ont choisi le camp de la mairie. Pour exemple, les costumes de Dom Juan seront vendus une misère à une boîte
de nuit par l’administratrice et ceux qui l’accompagnent. Nous nous retrouvons avec un vieux camion, de vieux projecteurs
etc., et sans aucun droit au chômage. Même dans ce domaine les élus ont refusé de broncher. Quand nous en parlons entre
nous, nous en sommes encore à nous demander ce qu’on nous reprochait et ce que nous étions allés faire dans cette galère.
1979
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