1978
Une fois de plus il faut tout recommencer à zéro. Après tant de productions, je pensais qu’on nous ferait confiance, et bien non. Nous subissons des pressions de toutes parts. Et puis, il y a aux portes de Tarbes, un centre culturel, le Parvis, subventionné par Leclerc (!) et qui mène une politique très élitaire, voire parisianiste. C’est le pot de terre contre le pot de fer. Je rappelle tout de même que la seule salle dont dispose la ville de Tarbes, c’est… notre chapiteau. Que ce qui nous pousse à continuer ce sont nos seules convictions. Il faut dire en passant que nous logeons toujours en caravane et que nos salaires n’atteignent pas le SMIC ! Je me dois aussi de rappeler que l’intermittence du spectacle n’existe pas encore… Malgré tous ces handicaps, nous repartons courageusement vers une nouvelle saison.
Nous étions sur la fin du règne de Giscard. Et la peine de mort était toujours en vigueur. Ce monsieur déclarait avoir une sainte horreur de ce crime autorisé, mais sous sa présidence on a exécuté 3 hommes dont il a refusé la grâce : Christian Ranucci, Jérôme Carrein et Hamida Djandoubi. Bien avant, le 28 novembre 1972, j’avais veillé toute la nuit avec beaucoup d’autres, sous les murs de la prison de la Santé où furent exécutés Bontems et Buffet par le bourreau André Obrecht (Pompidou était président, et lui aussi affirmait sa répulsion pour la peine de mort). Nous étions graves, recueillis. À 5h13 puis à 5H20, nous avons, par deux fois, baissé la tête. Je n’ai jamais cédé sur ça, ni pu supporter ne serait-ce que l’idée de peine de mort. J’avais (j’ai) une véritable vénération pour le texte de Victor Hugo, tellement généreux, puissant, courageux, en avance sur tous les temps. J’en parle à la troupe et propose à « Images » de sous-tendre les mots de Victor Hugo par de la musique. Je leur fais une lecture d’un découpage que j’ai préparé. Je revois leurs yeux quand c’est fini. Ils vont travailler tout l’été, sans relâche, dans une sorte de fièvre créatrice. Un vrai groupe, jeune, généreux, face à un chef d’œuvre et un grand engagement autant du poète que d’eux-mêmes. Quand nous nous retrouvons fin Août, ils jouent leur composition. En très peu d’heures, je me cale sur leur partition. Comme naturellement. Comme par évidence. Avec des passages d’une grande intensité dramatique, sans emphase, Mais très prégnant. Le chant profond. Nous tournerons beaucoup cet oratorio-rock. Jusqu’à l’abolition. Ou presque. Il y aura un disque 33 tours. Nous sommes très fiers. Nous le sommes encore. Nous avions raison et nous en étions certains. Comme nous avons vibré, plus tard, quand monsieur Badinter a parlé devant la chambre des députés silencieuse, comme écrasée de culpabilité !
LE DERNIER JOUR D'UN CONDAMNÉ (Victor Hugo avec le groupe "Image")
Guitares : André Dion Claviers : Marc Peyret Percussions : Jean-Michel Ropers L’imprécateur : Jean-Paul Cathala
Évidemment, une exposition sur la peine de mort en France et dans le monde accompagne notre concert.
Je ne sais comment nous avons joint ce désormais mythique festival de Palente organisé par le C.C.P.P.O (Centre Culturel Populaire Palente Orchamps). Il y avait là des jeunes gens d’une générosité folle organisés un peu comme nous et en tout cas ayant les mêmes idées sur la culture populaire. Certains avaient participé au Groupe Medvedkine, c’est dire. Entre eux et nous, le courant est très vite passé. Évidemment notre chapiteau est dressé dans ce quartier qui a vu tant de nobles luttes ouvrières. Le programme est très éclectique et de haute lisse. J’ai en mémoire une représentation de la troupe 4 Litres 12 de Nancy sous notre toile… Ah, là, là… Nous nous sentons comme chez nous. Évidemment nous jouons le Hugo. Jean-Pierre Thiebault et Yves Ravey, et tous les autres, leurs visages bouleversés quand c’est fini et que le public n’ose pas applaudir ! Aujourd’hui le CCPPO continue sous la houlette de Roger Journot. Un fier spadassin de la culture pour tous celui-là.
PALENTE (Festival de Bezançon)
LE CLOWN Y MOURIRA PAS (Création collective et en partie réécrite)
Nous voulions affronter le problème du Clown. Un acteur doit-il interpréter un clown, doit-il au contraire chercher en lui la spécificité du clown ? Enfance, poésie, présence de la mort jusque dans le maquillage… Nous allons voir Gruss à Paris, nous nous documentons. Les acteurs se passionnent. Par hasard je tombe sur cette phrase de Charlie Rivel : « Le clown y mourira pas ». Je passe l'été à traquer le rire clown, j'écris des « entrées ». Je cherche à les lier entre elles. Puis nous répétons, cherchons, mon texte change à mesure que les acteurs se transforment et le transforment. Leur regard sur le monde, le métier change lui aussi. Littéralement, ils retournent leur peau. Je suis bouleversé. Le spectacle a beaucoup surpris. J'ai vu des adultes, des gens de notre métier, bouleversés aussi. J'ai vu des « intellectuels » courroucés, désorientés. Pour moi je garde le souvenir d'un instant de grâce, d'une beauté qui m'émeut encore. Je renonce à décrire ce spectacle. Transcrire des entrées de clowns... à la limite de l'absurde n’est-ce pas ? Tout était abordé, tout semblait nécessaire et dérisoire à la fois, comme un ample poème coloré et sans philosophie apparente. Jean-Michel Ropers va inventer là son personnage de Frico qui continue sa ballade tant sur scène qu’à la télévision.
Exposition : Affiches de cirque (Gruss, Pinder et les autres nous les offrent)
DISTRIBUTION: Lisbeth Bernadou / Michel Coulet / Claude Polycarpe / Jean-Pierre Rigaud / Jean-Michel Ropers. Décors : Jean-Yves Feménia. Costumes : Jean-Paul Cathala. Musique : Susan Ingrid Ferré. Régie : Jean-Paul Cathala / Jean-Yves Feménia / André Dion / Marc Peyret. 60 Représentations / 21000 Spectateurs.
Sur le même principe que le Rítsos, mais avec un peu plus de mise en scène, nous réalisons un montage des lettres de prison de Nâzim Hikmet. De mon côté j’entre en contact avec l’ami indéfectible du poète Turc : Abidine Dino qui m’offre ce beau portrait du poète. Dans la foulée je rencontre Münevver Andaç l’ancienne compagne de Hikmet et traductrice en français de Yachar Kemal. Enfin je croise Mehmet Hikmet (le fils) qui viendra à Tarbes avec une magnifique exposition d’Abidine que nous réussirons à accrocher dans une des salles de réception de la Mairie. René Trusses jubile et nous avec lui. Nous jouerons notre montage dans le superbe jardin Massey.
IMAGE DE NAZIM HIKMET
Portrait de Nazim Hikmet fait par Abidin Dino
FLORELLE ET LE VENT (Jean-Paul Cathala)
Lisbeth Bernadou m'avait demandé un texte pour les tout-petits et qu’elle pourrait dire à son fils Raphaël de trois ans qui était notre mascotte. J'écrivis "Florelle". Pour moi, sous prétexte de l'âge des futurs spectateurs, je ne devais reculer ni dans l'écriture, ni dans le contenu. Lisbeth porta le texte avec efficacité. "Florelle" est régulièrement repris par des comédiennes un peu partout et dans plusieurs langues. Pour nous, les malles de Florelle sont toujours prêtes à partir sur les routes. Nous devons avoir dépassé les 1200 représentations ‘dans Avant-Quart je veux dire) !
DISTRIBUTION : Lisbeth Bernadou / Jean-Yves Féménia. Mise En Scène : Christiane Alonso Décors : Jean-Yves Féménia Costumes : Jean-Paul Cathala Masques : Douane Ferré Musique : Susan Ferré
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